Marché immobilier, 3 scénarios d'après crise - Igloo N°81
Quels scénarios après la crise du Coronavirus pour le marché immobilier ?
Comme le disait Pierre Dac très justement : « la prédiction est un art difficile, surtout quand elle s’applique à l’avenir ! »
Scénario numéro 1 : un krach immobilier.
Économie en stand-by, entreprises sans chiffre d’affaires durant 2 ou 3 mois, marché inerte, emplois menacés et perte de pouvoir d’achat lié au chômage partiel…
Le tableau pourrait encore être noirci mais il l’est suffisamment pour imaginer qu’une grande partie de la population n’aura plus accès au crédit immobilier du fait de la nouvelle donne économique.
Et ce d’autant que les banques pourraient encore durcir les conditions d’emprunt afin de limiter leur risque.
Premier point bloquant : des achats reportés.
On peut penser à raison que les achats de résidence secondaire ou dits de « confort » (je suis bien là où je suis, mais un peu plus grand serait pas mal !) pourraient être différés. Tout comme quelques investissements non primordiaux destinés au Airbnb, par exemple.
Deuxième point bloquant : Une catégorie d’acheteurs fragilisés.
Même perspective envisageable pour les primo-accédants et pour une frange de la population à la solvabilité tendue qui avaient réalisé une simulation de prêt fin 2019 début 2020 et avaient obtenu, du bout des lèvres, une autorisation de leur banquier du fait d’un taux d’endettement tout juste acceptable. Il y a peu, les banques ont relevé leurs taux pour freiner l’érosion de leurs marges depuis 3 ans, contraignant ainsi ces catégories à revoir leur projet (différent, plus petit), à le reporter voire à l’abandonner tout simplement.
Ce durcissement des conditions d’octroi des prêts pourrait se poursuivre quelques temps encore au détriment des particuliers en raison d’une attribution prioritaire des prêts aux entreprises pour soutenir et relancer la machine économique.
Vers une correction des prix à la baisse ?
Logiquement, le ralentissement du rythme des transactions entraîne une baisse des prix.
Les précédentes crises, principalement causées par des phénomènes économiques, ont généré des corrections de prix qui n’ont jamais été supérieures à 12% en moyenne, pour les plus violentes.
La correction systémique paraît cependant inévitable, dès lors que la baisse du pouvoir d’achat des demandeurs viendrait à se généraliser.
Dans les villes françaises peu attractives ou en zone rurale, l’impact pourrait bien être supérieur.
Ces territoires pâtiraient alors de la double peine suivante : une attractivité souvent en devenir et en voie de restauration cumulée à la baisse du pouvoir d’achat des ménages locaux. Les habitants de ces territoires seraient momentanément plus éprouvés par le ralentissement économique lié à la crise sanitaire. La baisse des prix pourrait atteindre 10% à 15% mais devrait inciter le gouvernement et les collectivités locales concernées à soutenir la demande dans les zones les moins tendues par des aides spécifiques.
Dans les villes attractives, le niveau des prix atteints a eu pour effet de faire indéniablement monter en gamme les acquéreurs. Il est clair que ce segment de population sera moins fragilisé par la crise. On sait, par exemple, que ce n’est pas dans les grandes villes que les accédants ont eu le plus recours au rallongement des prêts pour absorber la hausse des valeurs consécutive à la crise de 2008.
Qui plus est, les segmentations de prix n’ont pas eu pour cause la spéculation mais une majoration de l’attractivité de ces territoires et de ces villes.
Tout compte fait, on peut s’attendre à ce que s’opère une correction des prix dans ces métropoles, et particulièrement dans les villes-centres, mais dans des proportions contenues.
Si l’on se risquait au jeu des pronostics, on pourrait miser sur une baisse de 5% à 10% entre aujourd’hui et octobre prochain…
Plus généralement, les corrections importantes seront en corrélation avec des valeurs estimatives non liées aux fondamentaux d’une vente mais portées par une euphorie due à la pénurie d’offre et soutenue par l’idée que tout se vend à n’importe quel prix ! Gardons à l’esprit qu’un prix de vente souhaité et affiché dans les agences immobilières ou sur les plateformes en ligne n’est pas forcément celui réellement obtenu.
Les biens estimés « au prix du marché » avant la crise de 2008, n’ont subi que très peu de variation au cours des mois qui suivirent. Moins 8,5% dans le marché de l’ancien en moyenne nationale.
Le délai de revente était juste un peu plus long.
Dans le neuf, les taux de marge subissent la flambée des prix du foncier, des taxes qui représentent souvent 40% du prix du bien, et l’envolée – depuis 3 ans – des coûts de construction. Difficile de manœuvrer dans ces conditions.
Ces dernières années, certains promoteurs constructeurs ont pris des risques importants en se portant acquéreur de terrains surcotés. Seuls ceux qui se sentiront acculés et financièrement en danger baisseront fortement leurs prix. N’oublions pas néanmoins qu’une bonne acquisition s’apprécie à sa juste valeur quand le logement est livré et les parties communes terminées, et non à la signature du contrat de réservation 18 ou 24 mois avant !
En conclusion, si on cumul le chômage de masse, la contraction de l’offre de crédit et la non-attractivité de certaines villes. Il serait déraisonnable de penser que la crise sanitaire actuelle sera sans impact sur le marché de l’immobilier mais… Les plus expérimentés d’entre nous le savent, le marché de l’immobilier connaît une crise environ tous les 10 ans…et s’en remet toujours !
Scénario numéro 2 : un marché en pause.
On pourrait appeler ça une période de consolidation à plat.
Il est évident que le volume des transactions va être impacté car l’investissement dans l’immobilier s’appuie avant tout sur la confiance en l’avenir.
Partant de là, il y a fort à parier que ceux qui n’avaient pas encore engagé de réelles recherches laissent passer quelques mois avant de s’y remettre.
Mais les besoins (mobilité, évolution des structures familiales …) qui motivaient les projets d’avant la crise seront toujours d’actualité après.
Nous sommes sur un marché qui répond à un besoin primaire : se loger.
Nous pouvons donc imaginer avoir des candidats moins nombreux mais réellement motivés et finançables.
En parallèle, les fondamentaux de notre secteur d’activité rendent réaliste le scénario décrit par ces lignes :
Le « business model » du marché immobilier ou de l’investissement immobilier est basé sur le long terme. 20 ans, en moyenne.
Prenons le cas de l’investisseur qui prépare sa retraite, par exemple.
Il s’endette sur un actif qui se valorise dans le temps avec un locataire qui rembourse une partie de l’investissement réalisé.
N’y aura-t-il plus de locataires ? Si l’on considère que certains, du fait de la crise, n’auront plus accès au crédit immobilier, le recours à la location augmentera.
Pour qu’il n’y ait plus de marché, il faudrait qu’il n’y ait plus de locataires !
A noter que le marché ne restera pas éternellement en pause.
Scénario numéro 3 : une reprise.
Avant cette crise sanitaire, de très nombreuses villes de France étaient attractives et considérées comme étant en zone tendue, autrement dit « demandeuses » de logements.
Ces villes resteront attractives du fait de leur tonicité économique. Elles le seront d’autant plus dans les temps à venir car le fossé va se creuser entre les territoires. Les régions voisines de la Suisse, de l’Allemagne ou du Luxembourg, par exemple, ont de fortes chances de tirer leur épingle du jeu si l’on tient compte de leur attitude face à la crise et de la dynamique engagée pour relancer leur économie.

D’autres leviers économiques s’annoncent :
Le retour de l’inflation
Afin de juguler cette crise, les gouvernements font tourner la « planche à billets » créant des valeurs artificielles qui génèrent de l’inflation. C’est dans ces moments-là que l’immobilier prend tout son sens en termes de valeur refuge.
Mauvaise nouvelle pour les uns, les épargnants ; aubaine pour les autres, les emprunteurs !
En effet, il est maintenant – mathématiquement – possible de profiter d’un taux réel négatif lorsque l’on souscrit un prêt immobilier et donc de gagner en pouvoir d’achat, car si le taux d’inflation actuel se maintient durant toute la durée du prêt, le total des mensualités payées sera inférieur à la somme qui vous aura été prêtée !
C’est en quelque sorte l’inflation qui remboursera vos mensualités ou, à tout le moins, qui en réduira le coût.
Ne nous emballons pas ! S’il est possible, sur le papier, de surfer sur la vague de l’inflation et de gagner en pouvoir d’achat en profitant de taux d’intérêt inférieurs à l’inflation pour emprunter à moindre coût, il convient toutefois de garder la tête froide.
L’acquisition de sa résidence principale ne répond pas tant à l’objectif de réaliser une plus-value qu’à celui d’assouvir le désir de devenir propriétaire.
Or, dans le cas d’une personne qui s’endetterait pour acheter sa résidence principale, le coût du crédit sera davantage lié à l’évolution de son salaire (voire à celle des loyers encaissés s’il s’agit d’un investissement locatif) qu’à celle des prix en général.
La taxation de l’épargne
En période d’incertitude, le Français épargne. Autant d’argent qui ne circule pas dans l’économie.
Et c’est bien d’une relance par la consommation dont nous allons avoir besoin.
L’idée de taxer l’épargne privée pour solder les dettes nationales avait germé dans l’esprit des dirigeants du FMI après la crise de 2008.
Elle est revenue sur la table, il y a tout juste quelques semaines.
C’est d’ailleurs ce que les italiens ont vécu en 1992 lorsque l’ensemble des dépôts positifs a été taxé à hauteur de 0,6 %.
Cette mesure serait présentée comme un effort collectif nécessaire pour assainir les finances du pays.
Le fameux « quoi qu’il en coûte » donne tout de même à réfléchir, surtout quand il s’agira de rembourser… ! Si l’Etat venait à taxer lourdement l’épargne, il est fort à parier que cet argent soit transféré vers une valeur refuge : l’immobilier.
Un plan Marshall* pour la relance du bâtiment
« Quand le bâtiment va, tout va ! ». Même si la formule est éculée, elle garde un fond de vérité.
Le logement est aidé depuis la seconde guerre mondiale. Comment penser qu’il n’en soit pas de même après la crise ?
Le bâtiment est un moteur économique puissant, générateur de croissance et d’emplois. Ce secteur représente 5,5 % de l’emploi total, et deux emplois – directs et indirects – à vie pour un logement construit.
A cela s’ajoute de nombreux avantages :
- Ce sont des emplois non délocalisables, à l’exception près des travailleurs détachés.
- Ce sont des emplois qui concernent tous les territoires, même les zones sinistrées.
- Ce sont des emplois à forte productivité et à faible qualification qui agissent en masse sur la frange de la population la plus affectée par le chômage.
Les raisons fondamentales d’une reprise sont bien réelles.
Dans les zones tendues, le besoin de logement que ce soit à l’achat ou à la location restera toujours aussi important.
Dans le même temps, les « incontournables » suivants joueront en faveur d’un marché dynamique :
- Des taux d’intérêt qui resteront bas pour un moment encore afin de soutenir l’économie.
- L’impérieuse nécessité de préparer sa retraite, ne serait-ce que pour répondre aux inquiétudes que la réforme des retraites a généré les mois passés.
- La dépréciation actuelle des valeurs boursières a sans doute permis aux « perdants » de comprendre qu’ils ont investi sur des supports volatiles et difficilement maîtrisables. Il est plus que probable que les Français vont se détourner durablement de valeurs mobilières moribondes pour revenir à l’investissement immobilier séduits par ses qualités jamais démenties de valeur refuge.
Aujourd’hui, les rendements locatifs deviennent intéressants en comparaison aux revenus de placements financiers. - L’immobilier reste un des meilleurs moyens pour transmettre un patrimoine tangible à ses enfants.
En conclusion
Le secteur immobilier, à l’origine de 15% du PIB, de 75 milliards par an de rentrées fiscales, de 2 millions d’emplois directs et de 500 000 emplois indirects, vivra un affaiblissement économique qu’elle que soit l’aide publique consentie. Celle-ci servira d’amortisseur mais n’empêchera pas la diminution des transactions immobilières, achat et revente.
Un mal pour un bien ?
Cette crise sanitaire serait-elle paradoxalement salutaire pour le marché immobilier dans son ensemble ?
Avant cette crise, nous nous acheminions vers une inflation annuelle des prix comprise entre 5% et 10% créant une perspective de bulle immobilière.
Il est sûrement préférable qu’une source exogène (virus) vienne assainir le marché avant qu’il n’éclate violemment comme à Paris en 1991, à Marseille en 2004 et à Bordeaux en 2018.
Gageons que la pandémie et ses désastres auront aussi pour effet de rééquilibrer le marché.
Se loger répond à un besoin primaire, à ce titre, l’immobilier restera une valeur refuge.
Cédric Simonin
PDG Trianon Résidences
*Le Plan Marshall était un programme américain de prêts accordés aux différents états européens pour aider à la reconstruction des villes et des installations bombardées lors de la Seconde Guerre mondiale.